Pourquoi je suis psychologue féministe ?
“Je vois la psychothérapie comme une analyse et déconstruction de tes mécanismes intérieurs afin d’apprendre de nouvelles techniques de vie qui te rendent capable de vivre de façon plus indépendante, libre, heureuse et stable.Le problème actuel de la thérapie est néanmoins qu’il n’y a peu ou pas de thérapeutes politiques ce qui fait qu’on est confronté à :
1/ des tarifs élevés qui ne sont pas adaptés à nos revenus ;
2/ des différences de fond importantes concernant par exemple l’orientation sexuelle, la construction genrée ;
3/ une pression conformante de la thérapie, les problèmes/choix d’ordre politique étant réduits à des problèmes/choix personnels.”
Léo Thiers-Vidal, « Anarchisme, féminisme et la transformation du personnel » (Texte d’une conférence donnée au Centre anarchiste de Gand (Belgique) en novembre 1996)
- Prise en compte des violences systémiques
Je suis psychologue et ce texte de Léo Thiers-Vidal a beaucoup résonné en moi.
C’est pourquoi j’ai décidé que ma pratique se devait d’être féministe.
Par cette phrase, j’affirme être en capacité de reconnaître que des patient·es peuvent souffrir des violences systémiques et que les simples choix et attitudes personnelles ne peuvent pas déterminer à elles seules l’ensemble des problématiques rencontrées. Il y a une influence individuelle mais aussi une influence de la société.
Nous vivons dans un système d’oppression qu’il est important de considérer si nous voulons comprendre les freins que les individus vivent. Les liens entre l’intime et le politique sont inextricables.
Comment travailler sur l’estime de soi quand on fait partie de catégories sociales discriminées par rapport à notre apparence ?
Venir en thérapie ne résoudra pas les discriminations systémiques, mais savoir les nommer, et avoir un·e thérapeute qui a conscience de ces enjeux est un pas vers le mieux être.
- Soins aux personnes précarisées par ces violences
Par ailleurs, reconnaître que des violences systémiques affectent certaines personnes c’est comprendre que ces personnes sont précarisées et n’ont pas forcément accès aux soins dont iels auraient besoin. Ou alors elles ont accès à des soins d’une qualité réduite et dépendent des moyens mis en œuvre dans le service public.
Le tarif que je propose prends en compte mes charges et obligations financières.
Mais choisir un tarif le plus bas possible permet d’essayer de s’adresser à un plus grand nombre sans que la charge de demander des tarifs plus adaptés à leur revenus incombe aux personnes précarisées. Leur épargnant la honte de ne pas pouvoir payer, et le sentiment d’illégitimité de demander.
- Neutralité ≠ Non jugement et bienveillance
En tant que psychologue, il me paraît primordial de me positionner sur l’échiquier politique pour que ma patientèle sache face à qui elle se livre.
Pas dans le sens de prendre parti, mais afin de spécifier les valeurs que je défends et d’afficher ma lecture des enjeux sociaux, économiques et environnementaux qui traversent notre société.
La neutralité n’existe pas, chaque psychologue écoutera, interprétera le vécu de ses patient·es avec en filigrane son vécu, ses sensibilités, ses convictions.
Et cette interprétation aura un impact (qu’on souhaite le plus minime possible) sur la prise en charge.
Cette absence de neutralité n’est pas incompatible avec le non-jugement et la bienveillance, indispensables pour la prise en charge en santé mentale.
Dire “Je ne suis pas contre l’avortement, je sais ce que c’est la charge raciale, je sais la grossophobie et les violences médicales, je suis capable de genrer correctement une personne non binaire”, c’est dire qu’en tant que thérapeute, j’essaie au maximum de ne reproduire aucune violence systémique à l’encontre de ma patientèle. Qu’au-delà de n’être pas vectrice moi-même de discriminations, j’ai conscience que ces vécus ne sont pas individuels et qu’ils s’inscrivent dans un continuum de violences.
Que si cela devait arriver, j’aurais conscience de mon rôle sur l’échiquier de la domination. Que je suis capable de me remettre en question, de m’excuser, d’évoluer.